Le gouvernement mexicain exprime ses regrets concernant la décision d'Ottawa de réimposer un visa à ses ressortissants pour freiner l'afflux de demandeurs d'asile. Dans une déclaration publiée jeudi en espagnol, le ministère des Affaires étrangères du Mexique indique qu'il y avait d'autres options avant la mise en œuvre de cette mesure et que le pays se réserve le droit d'agir de manière réciproque.
Le ministre fédéral de l'Immigration, Marc Miller, a confirmé jeudi matin que le Canada rétablissait l'obligation de visa pour les ressortissants mexicains afin de contrôler la forte augmentation du nombre de demandes d'asile depuis sa levée en 2016.
La mesure entrera en vigueur jeudi à 23 h 30 et ne s'appliquera qu'à environ 40 % des voyageurs se rendant annuellement au Canada. Les ressortissants ayant obtenu un visa au Canada au cours des 10 dernières années seront exemptés, de même que les Mexicains venus étudier ou travailler, qui devront toutefois obtenir une autorisation de voyage électronique.
Le ministre Miller a admis que le gouvernement mexicain était mécontent de cette décision mais ne craint pas d'impact sur les échanges commerciaux. Il souligne le droit souverain du Mexique à prendre des mesures et ne rapporte aucune indication d'éventuelles mesures commerciales.
Les discussions sur la croissance exponentielle du nombre de demandeurs d'asile mexicains se poursuivaient en coulisses depuis plusieurs mois, mais aucune solution satisfaisante n'a été trouvée pour éviter la réimposition du visa, selon le ministre Miller. Il souligne également que le Mexique a eu l'opportunité de rectifier la situation, mais les mesures proposées n'auraient pas pu être mises en place à temps.
Le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois soutenaient l'imposition de cette mesure pour prévenir d'autres abus du système d'asile. Seul le Nouveau Parti démocratique s'y opposait, considérant que cela stigmatiserait d'autres immigrants mexicains.
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau avait mis fin à l'exigence de visa pour les ressortissants mexicains en décembre 2016, promettant en campagne électorale d'annuler la mesure instaurée en 2009 par le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Le premier ministre québécois, François Legault, et sa ministre de l'Immigration, Christine Fréchette, saluent la décision d'Ottawa mais estiment qu'il faudra prendre davantage de mesures. Ils soulignent la nécessité pour le gouvernement fédéral de compenser les dépenses engagées par le Québec dans l'accueil des demandeurs d'asile.
Le ministre Miller reconnaît l'impact des pressions du Québec et de l'Ontario, les deux provinces accueillant le plus de demandeurs d'asile, dans la décision de réimposer le visa. Il souligne les flux inacceptables et les taux d'acceptation trop bas des demandes d'asile mexicaines.
Les pressions du Québec ont été clairement exprimées dans une lettre du premier ministre Legault à Justin Trudeau en début d'année, appelant à freiner l'afflux de demandeurs d'asile pour éviter une rupture. Les demandes d'asile mexicaines ont explosé ces dernières années, représentant 17 % de toutes les demandes en 2023, avec un taux d'acceptation beaucoup plus bas que celui d'autres nationalités.
La réintroduction du visa est une mesure en évolution, selon le ministre Miller, qui précise qu'elle pourrait être révisée en cas de déclin significatif et de mesures efficaces prises par le Mexique pour contrôler les flux de demandeurs d'asile.
Ottawa n'écarte pas la possibilité d'imposer des mesures similaires à d'autres pays dont les ressortissants déposent un grand nombre de demandes d'asile au Canada, tout en soulignant que cela dépendra des taux de réussite élevés pour ces pays. Le premier ministre québécois n'exclut pas cette possibilité mais souligne que le problème spécifique avec les Mexicains nécessitait une action immédiate. Le Québec, accueillant 55 % des demandeurs d'asile, demande une répartition plus équitable sur l'ensemble du Canada.